Gilles Landini, pianiste
Humoresques
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Humoresque - Appassionato III

Schumann, un printemps en mi bémol majeur...

Nous avons joué, en avril 2006, entre autre, le quatuor de Schumann avec piano...

Plus je le médite plus il apparaît clairement que ce chef d'oeuvre parmi les chefs d'oeuvre souffre d'une incompréhension: on le mesure à l'aune du quintette avec piano et forcément, forcément, on débouche sur une cascade de contresens. Le quatuor est la face intime de la médaille dont l'autre côté serait le quintette. Autant le quintette est flamboyant autant le quatuor nous emmène dans la contemplation et l'introversion, en tout cas dans les premières et troisièmes parties et par intermittences dans les deux autres mouvements. La grande Clara Haskil décrivait ainsi deux des traits du génie schumannien: une innocence fièvreuse.

Ce quatuor répond totalement à ces qualilficatifs et particulièrement le premier mouvement, le plus délicat à interpréter.

En effet, il y a de tout ce premier mouvement un seul fortissimo, une indication d'allegro ma non troppo qui n'est pas si coutumière chez le passionné Schumann, beaucoup de fluctuations de dynamique sonore mais souvent au sein de nuances piano ou mezzo forte... Bien sûr il y a le miraculeux et dramatique développement qui nous entraîne au bord de l'abîme, proche de la catastrophe au sens premier du terme, il y a le dernier sursaut agitato, comme une excitation... qui se résout dans une profonde solarité bienfaisante... Innocence fièvreuse...

Toute la fièvre de cet allegro non troppo est tissée de soleil et ce soleil est celui tendre, caressant et énergique du printemps. L'innocence en est la fraîcheur et l'émerveillement printannier.

Peut-être qu'il y aurait une recherche à entreprendre sur le thème: «Schumann, compositeur du printemps». Rien d'anecdotique à ce propos: Schumann vivait l'absence et le retour de cette saison avec une espérance profonde, une attente confinant parfois à l'anxiété. Nous le savons par ses lettres, ses écrits, son journal, les témoignages de ses amis.

Tout le premier mouvement est sous-tendu par ces courants d'espoir, d'émerveillement, d'angoisse, de sérénité face au renouveau annuel. Les références au printemps sont très présentes dans son oeuvre, jusqu'à l'article sur Brahms annonçant un renouveau artistique; et que dire des sublimes "chants de l'aube" composé dans l'ombre de la vallée de la folie...?

Le printemps schumannien est un symbole de renouveau, de retours des énergies de luttes contres ses névroses toujours sur le fil de la psychose, puis contre les ravages finaux de la syphilis mais aussi confirmations que, oui, une fois encore la Vie a effectué son oeuvre d'inspiration, que l'élan vital, l'aufschwung ne l'a pas abandonné.

Définitivement ce quatuor n'a pas grand chose à voir avec le quintette. Cette dernière oeuvre fait hélas encore de l'ombre à sa soeur... L'intériorité, l'intimité de surcroît n'ont jamais fait recette...

La poésie schumannienne quand elle se présente dans des atours similaires du quatuor avec piano partage avec Chopin ou Mozart quelque chose de l'ordre de l'indicible.

Par contre, ce qui est particulier à Schumann c'est l'impondérable, cet immense poids tout de délicatesse, comme la caresse d'une plume qui ferait frissoner l'être jusqu'en ses fondements les plus secrets. Fièvreuse innocence...

G.L.